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Histoire du TDAH

On peut faire remonter l'histoire du TDAH au 16ème siècle sinon au théâtre antique dont Jean de La Bruyère s'inspirera pour écrire sur "Caractères" au 17ème siècle.

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Descriptions historiques

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Il existe des descriptions de symptômes évocateurs du TDAH dès le 16ème siècle, ce qui n'est pas étonnant puisque les symptômes sont banals chez les enfants et les adultes:

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  • Ambroise Paré (1510-1590) postule une perturbation de l’âme chez celui qui est « véhément, rapide, élancé, désordonné et inégal dans la peur récente »

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  • Johannes Schenck de Grafenberg (1530 – 1598), pionnier de la neurolinguistique, évoque des « insomnies turbulentes ».

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  • Thomas Willis (1621 – 1675) décrit les sots qui « apprennent assez vite et assez adroitement les choses simples, les retiennent solidement dans leur mémoire; cependant, à cause du défaut de leur jugement, ils assimilent mal les notions abstraites, les disjoignent, et c’est beaucoup plus mal encore qu’ils concluent de l’un à l’autre; leur ineptie, leur gaucherie et le ridicule de leurs actions et de leurs discours excitent l’hilarité des assistants. »

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  • Des cas d’enfants « agités » sont décrits et rapportés à une forme d’épilepsie que Michael Ettmüller (1644 – 1683) attribue « quelques fois à l’artifice du démon [et] à l’influence des astres ».

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  • L'auto-biographie d'Albert-Venceslas Eusèbe von Wallenstein (1583-1634) évoque fortement un TDAH persistant depuis l'enfance avec de nombreuses anecdotes.

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  • L'auto-biographie de Charles-Joseph de Ligne (1735-1814) montre comment tout au long de sa vie ses étourderies et son inconstance ont sapé sa carrière militaire, son œuvre littéraire et toutes ses entreprises...

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Descriptions littéraires

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On trouve dans la littérature française des descriptions d'adultes ayant des comportements qui rappellent le TDAH.

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  • Molière (1622 – 1673) décrit les mésaventures de Lélie dans ses tentatives de séduire une belle esclave.

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  • Jean de La Bruyère (1645 – 1693) décrit les personnages de Ménacle et du Grand Parleur dans ses "Caractères".

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  • Jean-François Régnard (1655 - 1709) décrit Léandre qui vise l’héritage de son oncle sans y parvenir.

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Au 19ème siècle, dans la suite des contes d'Heinrich Houne riche littérature s'attache à prévenir les enfants des conséquences de leurs comportements... à visée éducative:

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  • Pierre Blanchard (1817) « Les Jeunes Enfants »

  • White (1823) « Gertrude or Thoughtlessness and inattention corrected: A tale »

  • Pierre Blanchard (1825) « Les accidents de l’enfance »

  • Guillon de Montléon (1840) « Hubert ou les suites funestes de la paresse et de l’indocilité »

  • Honoré de Balzac: « Tony sans soin » (1843)

  • Heinrich Hoffman (1804-1894) écrit un livre illustré pour mettre en garde son fils de 7 ans contre les conséquence de la désobéissance et de la méchanceté.

    • Pierre le débraillé refuse de se laisser couper les cheveux et les ongles pendant un an

    • Frédéric le méchant est impulsif, agressif, torture les animaux et se fera mordre par un chien.

    • Paulichen n’écoute pas ses parents qui lui interdisent de jouer avec des allumettes et mourra brûlée vive.

    • Philippe le remuant (« Fidgety Philip ») n’arrête pas et finit par reverser le repas lorsqu’il tombe à la renverse.

    • Jean nez-en-l’air (« Johnny head in-air ») rêvasse et tombe dans une rivière

  • Bertall (Charles Constant Albert Nicolas d’Arnoux de Limoges Saint-Saens)

    • « Les infortunes de Touche-à-Tout » (1861)

    • « Loustic l’Espiègle » (1861)

    • « Georges le Distrait » (1889)

  • Trilby (1866) « Nigaudin le distrait »

  • Trim (1867) « Plume le distrait »

  • Jean Macé (1867) « Mademoiselle Sans-Soin »

  • Adrien Lundin (1869) « Georges le distrait » et sa sœur Lucie

  • Lucie Guillotin (1880) « Les grands défauts de nos petites filles »

  • Alice Cruppi « Touche à tout et ses tragiques mésaventures »

  • Pierre-Jules Hetzel alias Stahl (1869) « Le moulin à paroles »

    • ​« A déjeuner, pendant que son frère et sa petite sœur prennent leur bon café, bien chaud, que fait le Moulin à paroles?  Le Moulin à paroles jase à tort et à travers. Sa Bonne a beau lui dire : « Mademoiselle Fanny, Mademoiselle Fanny, votre café va être immangeable! » Mademoiselle Fanny continue ses discours interminables. Aussi les autres ont fini qu'elle n'a pas commencé. On ne peut pas faire deux choses à la fois.

  • Image d’Epinal, Pellerin (vers 1880) « Frère et sœur touche à tout »

  • Madame C. G. (1883) « Le petit turbulent »

    • « Toujours debout, s’agitant, se remuant, courant, sautant. Il ne savait ce que c’était d’être assis ou tranquille »

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L'attention d'après les philosophes

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La question de la nature de l'attention et des conséquences de sa défaillance est initialement abordée par les philosophes:

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  • Entre Wilhelm Leibnitz (1646 – 1716) et Emmanuel Kant (1724 – 1804), Christian Wolff (1679 – 1754) développe une psychologie empirique et rationnelle:

    • L’attention est ce « caractère d’activité et de spontanéité » qui nous fait cheminer vers un but

    • Il décrit des troubles de l’attention chez des hommes de lettres, des grands conquérants, des scientifiques et des philosophes, dont le comportement les faisait qualifier d’instables ou de distraits.

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  • Pour François Quesnay (1694 – 1774), l’attention « perfectionne nos connaissances et permet de diriger notre volonté: l’attention permet à l’âge d’exercer une action organique. »

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  • Pour Étienne Bonnot de Condillac (1714 – 1780), l’attention est « cette opération par laquelle notre conscience, par rapport à certaines perceptions, augmente si vivement qu’elles paraissent les seules dont nous ayons pris connaissance. »

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  • Pour Claude-Adrien Schweitzer dit Helvetius (1715 – 1771), le distrait ne peut maintenir son attention continue, ne peut ni apprendre à lire ni apprendre à parler convenablement sa langue, car sa mémoire n’est que factice et son intelligence absente.

    • « C’est l’attention, plus ou moins grande, qui grave plus ou moins profondément les objets dans la mémoire, qui en fait apercevoir mieux ou moins bien les rapports, qui forme la plupart de nos jugements vrai ou faux »

    • « C’est à cette attention que nous devons presque toutes nos idées ».

    • « Si le défaut de mémoire est dans les hommes, l’effet de leur inattention ou d’une imperfection est dans l’organe qui la produit [...] il est évident que c’est de l’inégale capacité d’attention des hommes que dépend la force inégale de leur esprit. »

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Les descriptions médicales

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Plusieurs médecins décrivent en Europe ce qu'est une attention labile (attention volubilis):

  • Aux Pays-Bas, Cornelius Albertus Kloekhof (1715-1788) qui est l'un des premiers psychothérapeutes

  • En France, Antoine Le Camus (1722-1772)

  • En Allemagne, Melchior Adam Weikard (1742-1803)

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Sir Alexander Crichton (1763-1856) décrit sans faire le lien entre eux les troubles de l'attention, d'une part, et l'agitation motrice, d'autre part, dont il explique qu'ils peuvent être innés et persister à l'âge adulte.

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A la fin du 18ème siècle, le besoin de classification des maladies afin de mieux les comprendre devient impérieux. Les aliénistes français et allemand, d'abord, rejoints plus tard par les anglais décrivent cliniquement et méthodiquement les patients.

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  • Jean-Étienne Dominique Esquirol (1772-1840), élève de Pinel (1745-1826): « les aliénés ne jouissent plus de la faculté de fixer et de diriger leur attention, et cette privation est la cause primitive de leurs erreurs. On l'observe chez les enfants, qui, quoique très impressionnables, n'en ont pas moins peu de sensations, faute d'attention. »

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  • En 1817, Joseph Sarmet publie sa thèse intitulée « De l'attention étudiée sous le rapport physiologique, et considérée comme cause, comme élément essentiel de maladie, comme moyen prophylactique et curatif. »

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  • Jacques Étienne Belhomme (1800-1880), élève d'Esquirol, sera considéré comme l'un des pionniers de la pédopsychiatrie par son intérêt pour l'éducation des "déficients mentaux". Il distingue les idiots des imbéciles, caractérisés par une atteinte de l’attention et « susceptibles d’actes manuels que l’éducation peut perfectionner. »

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  • Arthur Pichenot (1849-1931) défend l’idée selon laquelle l’idiotie ne résulte pas forcément d’une lésion cérébrale (contrairement à Esquirol et aux phrénologistes) mais parfois d’une simple anomalie fonctionnelle:

    • « Le développement intellectuel de l’enfant ne progresse pas, parce que, dès le bas âge, l’enfant est tellement susceptible, a un caractère si timide et si craintif, ou s’excite à un tel degré, quand on veut le faire travailler, que son éducation devient complètement impossible. »

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  • ​Paul Moreau dit « de Tours » (1844 - 1908) introduit le terme de « touche-à-tout dans la littérature médicale.

    • « Son attention est légère et difficile à captiver: il y a de l’incertitude dans la faculté de juger qui subit tour à tour les influences les plus diverses et qui se laisse entraîner par les opinions les plus contradictoires. Il lui est impossible d’arrêter longtemps son attention sur un même sujet, de réfléchir avec calme, d’écouter dans le silence et le recueillement la voix de la conscience. Il manque en un mot de la comparaison qui rapproche les idées, de la réflexion qui les mûrit, du raisonnement enfin qui décide ou prononce. »

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  • Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) considéré comme le père de la pédopsychiatrie décrit en 1890 les "enfants agités" et crée des classes de perfectionnement annexées aux écoles primaires. Il défendra l'hygiène hospitalière (blouse et asepsie), fondera les écoles d'infirmières laïques, et militera pour la crémation.

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  • En Angleterre, Henry Maudsley (1835-1918) écrit: « un enfant poussé par une impulsion dont il ne peut rendre compte, à un acte destructeur dont il n'apprécie pas la nature réelle : un instinct naturel est exagéré et perverti par un trouble du centre nerveux, et le caractère de sa manifestation morbide est souvent déterminé par des accidents de circonstances extérieures. ».

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  • En Angleterre encore, Sir George Frederic Still (1868-1941), fondateur de la pédiatrie anglaise, décrit en 1902 des enfants atteints d'un "déficit du contrôle moral". Aujourd'hui, on dirait d'eux qu'ils présentent un TDAH et pour plusieurs un Trouble des Conduites. Le contrôle moral est, pour Still, la fonction qui permet d'agir en tenant compte des intérêts et de la sécurité d'autrui et de soi-même.

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  • En Allemagne, Emil Kraepelin (1856-1926), fondateur de la psychiatrie allemande, décrit la psychose maniaco-dépressive chez les adultes qu'il rapproche des "enfants agités des Français". Gustav Specht (1860-1940) et Herman Paul Nitsche (1876-1948) distinguent un tableau clinique différent chez des adultes présentant probablement un TDAH.​​

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  • En Allemagne, Franz Kramer (1878-1967) et Hans Pollnow (1902-1943) décrivent en 1932 à la Clinique de la Charité (Berlin) le syndrome hyperkinétique de l'enfant et de l'adolescent dont les critères cliniques constitueront la base du syndrome hyperkinétique de la Classification Internationale des Maladies et du TDAH du Diagnosic and Statistical Manual.

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  • En France, dès 1977, Michel Dugas (1927-1998) critique l'approche psychanalytique à la suite notamment de Pierre Debray Ritzen (1922-1993), encourage les recherches sur l'hyperactivité chez l'enfant, et supervise la traduction en français du DSM-III en 1983. Il a formé de nombreux médecins et psychiatres.​​​

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